N'oubliez pas de réserver l'exposition "Ludwig van Beethoven, sa vie, son oeuvre" auprès de Association Beethoven France et Francophonie, à découvrir sur le site de l'ABF |
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Andrea Luchesi (Motta di Livenza 1741 - Bonn 1801) fait partie de ces sujets de débats passionnés entre beethovéniens. Ce compositeur a pris la succession de Ludwig van Beethoven senior en tant que Kappellmeister. Christian Gottlob Neefe (Chemnitz 1748 - Dessau 1798), maître reconnu de Beethoven, était un remplaçant de Luchesi en son absence. Aucune preuve matérielle n'atteste que Beethoven ait été l'élève de Luchesi. Cependant, des présomptions existent, ce qui nous conduit à vous présenter ce compositeur. A vous de juger... Dominique PRÉVOT |
Andrea Luchesi (1741 – 1801) : le maître oublié de Beethoven ? |
Inconnu de la plupart des passionnés, oublié des spécialistes et complètement éliminé de l’historiographie musicale, Andrea Luchesi (1741 – 1801), descendant de l’une des quatre cents familles nobles qui, au XIVe siècle, laissèrent Lucca pour s’établir à Venise, naquît à Motta di Livenza (dans la région de Trévise). A cette époque, cette ville était rattachée au diocèse indépendant de Ceneda, tout en faisant partie de la République de Venise.
Sa vie est nettement divisée en deux époques ; au cours de la première, le musicien vécut et fit carrière à Venise, et lors de la seconde, son destin le mena dans la ville de Bonn où il rencontra les plus grands musiciens allemands de son temps. Après avoir quitté sa ville natale, à l’âge de quinze ans, où il fut éduqué par son frère aîné Don Matteo, prêtre, Précepteur Public et organiste de la cathédrale, Luchesi s’établit dans la Sérénissime. Grâce à la protection du N. H. Giuseppe Morosini, le jeune homme put fréquenter les salons de la noblesse de la République, mais surtout, il prit contact avec les meilleurs compositeurs et enseignants : Giuseppe Paolucci de l’école Martiniana, Gioachino Cocchi de l’école napolitaine, les maîtres de la chapelle de Saint-Marc, Giuseppe Saratelli puis Baldassarre Galuppi, et les théoriciens Francescantonio Vallotti et Giordano Riccati, représentants de l’école des musiciens physico-mathématiciens qui fleurit à l’ombre de la Basilique de Saint-Antoine à Padoue. Sa carrière fut rapide, grâce à son génie musical et à une solide formation. Organiste à l’Église de San Salvatore à Venise, il devint membre, à vingt ans, d’une commission d’examen pour la licence de claviériste. Il fut chargé de composer la musique pour diverses fêtes vénitiennes célèbres, quelques opéras et intermezzo et on lui commanda des cantates en l’honneur d’au moins deux princes allemands en visite dans la République de Venise.
Le contact décisif pour sa future carrière dans les pays allemands eut lieu grâce à l’ambassadeur autrichien à Venise, le Comte Giacomo Durazzo, diplomate et homme de théâtre (Gênes, 27 avril 1717 – Venise, 15 octobre 1794). Durazzo eut une double influence sur la destinée de Luchesi du fait qu’il était le beau-frère du Prince Nikolaus « Le Magnifique » Esterhazy - le « patron » de Joseph Haydn -, qu’il persuada Luchesi d’adresser ses symphonies à Esterhazy et parce qu’il le fit débuter comme compositeur d’opéra au théâtre impérial de Vienne avec « Die Gluckinsel » (« L’Île de la Chance ») en 1765. Envoyé extraordinaire à Vienne en 1749 par la République de Gênes, grâce à sa culture "multiforme", Durazzo fut aussitôt apprécié par l’Impératrice Marie-Thérèse et par son fils Joseph II, pour ses nombreuses qualités. En 1752, il abandonna la carrière diplomatique pour être nommé « directeur-assistant du théâtre de Cour », puis titulaire l’année suivante et enfin, en 1754, « Generalspektakeldirector ».
Dès 1752, il fut le premier à introduire, à Vienne, l’opéra-comique produisant la première édition viennoise de l’opéra de Gluck « La rencontre imprévue ou les pèlerins de la Mecque » (1764). Dans son œuvre de rénovation destinée à privilégier le Cavalier Gluck et sa réforme, il se heurta à beaucoup de résistances, surtout de la part du Kappellmeister de la cour, J. G. Reutter et du puissant Metastasio. Contraint de démissionner en 1764, il accepta la charge d’ambassadeur autrichien à Venise, où il tint également un petit théâtre privé, jusqu’à sa mort qui advint en 1794. Sa renommée moderne est liée également à la conservation des travaux de Antonio Vivaldi. Appelé à Bonn en 1771, à l’occasion d’un contrat triennal pour remettre à un niveau acceptable la Chapelle du Prince Électeur, archevêque de Cologne, Maximilian Friederich, dirigée par le Kappellmeister Ludwig van Beethoven senior, le grand-père du « Titan », Luchesi se servit de chanteurs de valeur, musiciens, ainsi que d’un Premier Violon de confiance, Gaetano Mattioli, comparable à l’époque au Cannabich de Mannheim. En 1773, avant le retour des chanteurs à Venise, Luchesi fut en mesure de donner une preuve de ses capacités, mettant en scène l’opera-buffa « L’Inganno scoperto o il Conte Caramella » (« La Supercherie dévoilée ou le Comte Bonbon ») avec le livret de Carlo Goldoni. Après la mort du précédent Maître de Chapelle, en 1774, Luchesi fut nommé Kappellmeister, charge qui lui fut reconduite à vie en l’an 1777. L’Almanach musical de J. N. Forkel de 1782 , faisait état de la Chapelle de Cologne/ Bonn comme la troisième parmi les vingt-trois meilleures chapelles musicales d’Allemagne, juste derrière Mannheim et devant la Chapelle Impériale.
À Bonn, eut lieu la rencontre qui nous intéresse tout particulièrement : étant compositeur confirmé, Luchesi eut divers élèves, parmi lesquels Ludwig van Beethoven dont il fut le maître pendant dix années à partir de janvier 1781, à l’occasion de son premier travail, la « Cantate pour la mort de George Cressner », ambassadeur anglais à Bonn et bienfaiteur de la famille Beethoven. Parmi les autres élèves se trouvent : Andreas et Bernhard Roemberg, Anton Reicha, Andreas Pernered et le Comte Ferdinand von Waldstein. En 1775, afin d’épouser Anthonetta d’Anthoin, fille d’un conseiller du Prince et sœur de Ferdinand - qui lui servira de prête-nom - et pouvoir ainsi assumer la charge de Kappellmeister, le compositeur prit la citoyenneté allemande et, l’année suivante, fit une autre démonstration de ses capacités et des améliorations apportées à la Chapelle, avec la composition de son Oratorio, la « Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ », sur un texte de Metastasio. Bien qu’en 1784 il ait eu des rapports difficiles avec le nouvel Électeur Maximilian Franz d’Asbourg-Lorraine - protecteur de Mozart à qui il avait promis la nomination au poste de Kappellmeister à Bonn (le Prince tenta une drastique et injustifiée réduction de son salaire pour le contraindre à démissionner) - Luchesi, mis à la retraite mais non remplacé, conserva sa charge jusqu’à son décès, après que l’arrivée des troupes françaises eurent mis un terme, en 1794, à l’existence de la Cour de Bonn et la vie tranquille du compositeur. Maximilian Franz réussit cependant à le dissuader d’utiliser le nom du beau-frère comme couverture pour adopter celui de Mozart qui, à partir de 1784, vit augmenter de manière exponentielle sa réputation, peut-être aussi grâce à une osmose qui était habituelle entre les compositions des différents musiciens.
Pensionné et libre d’agir comme « Maître de Chapelle des messieurs allemands de Venise », avant l’invasion de la Principauté, Luchesi mit en scène, à Passau et à Venise, son dernier opera-buffa, mais continua à écrire de la musique jusqu’à la mort qui le surprit, après avoir eu quelques difficultés financières qui l’obligèrent à vendre une des deux grandes maisons dont il était devenu propriétaire, le premier jour du printemps 1801 dans une Bonn occupée par les troupes françaises. En 1826, à la mort de sa dernière fille, Caterina, ses manuscrits furent vendus au cours d’une vente aux enchère publique et dispersés ; tandis que les quatre garçons - dont deux particulièrement doués pour la musique décrit par Neefe en 1785 - disparaîtront dans les replis de l’histoire comme ont disparu toutes traces de la vie de leur père. En guise de conclusion
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© Armando ORLANDI |
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